La madeleine de Commercy

« Je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j’avais laissé s’amollir un morceau de madeleine. Mais à l’instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d’extraordinaire en moi.  »

Marcel Proust, Du côté de chez Swan, 1913

Au cours d’une réception organisée par Stanislas, son pâtissier attitré rend son tablier. Une jeune servante, Madeleine, prend sa place et réalise la seule recette familiale qu’elle connait. Charmés, le duc de Lorraine et ses invités donnent à ce gâteau le nom de la cuisinière. Stanislas en fait parvenir à sa fille, la reine Marie Leszczynska. La cour veut leur donner le nom de la reine, mais celle-ci refuse et désire qu’elles gardent leur nom.

La véritable fabrication industrielle de ce gâteau et sa popularité ne commencent qu’en 1817, lorsque la recette est dévoilée.

Depuis 1755, la Madeleine de Commercy ravit les palais des plus fins gourmets. Elle n’a cessé d’accroître sa popularité, tout d’abord à la Cour de Versailles, puis un siècle plus tard sur les quais des gares. Commercy étant sur la ligne Paris-Strasbourg un métier peu commun fit son arrivée en même temps que le chemin de fer : vendeuse de madeleine sur les quais ! De jeunes femmes joliment vêtues vendaient les madeleines aux voyageurs faisant halte à Commercy.

Les madeleiniers

Cloche d’Or, Cloche d’Argent, Cloche Lorraine…  La tradition rapporte que l’image de la cloche est un hommage à Stanislas qui offrit la plus grosse cloche de l’église Saint Pantaléon.

La madeleine, c’est d’abord une histoire de famille: celle de Pantaléon Colombé plus connu sous le nom de « Brûlé ». Dynastie de pâtissiers et de boulangers, la famille Colombé exploite plusieurs fabriques de madeleines dont la Cloche d’Argent et la Cloche Lorraine. 

Les maîtres d’hôtels vont leurs emboîter le pas en proposant eux aussi des madeleines : l’hôtel de la Providence, l’hôtel de Paris et le plus célèbre d’entre eux, l’hôtel de la Cloche d’Or.

La Cloche d’Or, c’est aussi l’histoire d’une famille, les Bray. L’aïeul crée l’hôtel de la Cloche d’Or et se lance dans la fabrication de madeleine. Ses enfants vont alors se brouiller puis se concurrencer en créant chacun une fabrique différente : les madeleines de la Cloche d’Or et les madeleines de l’hôtel de la Cloche d’Or.

 

 

La fabrication

Jusqu’en 1939, la madeleine restera un produit artisanal. Six fabricants travaillent alors à sa fabrication dont la majeure partie est vendue sur les quais de la gare.

Actuellement fixé à 25g, le poids de la madeleine a été réduit régulièrement. Avant la guerre, la madeleine pesait 30g. Dumont parle de madeleine de 90g à 100g. Si les composants sont toujours les mêmes : farine, beurre, sucre et œufs, sans oublier la levure et l’essence de citron, chaque fabricant a son propre dosage.

Autrefois, les madeleiniers se fournissaient sur le marché local, ils devaient aussi tenir compte de la qualité variable de leur approvisionnement pour maintenir la réputation de leur produit. Le madeleinier travaillait « à la bassine » entouré de ses commis qui lui passaient les ingrédients au fur et à mesure de la recette.

L’héritage

Aujourd’hui il ne reste plus que trois madeleiniers à Commercy.

Saint-Michel Grosjean, la Boîte à madeleines, et Pierron. Tous trois arborent des dosages différents donnant à leur production une saveur unique.

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